Un Français sur deux fait appel aux médecines douces qui soignent autant le corps que l'esprit. Leurs partisans affirment qu'il faut y croire pour que ça marche. Mais comment expliquer alors que ces bizarres thérapies aient un effet sur les animaux ?
A Forcalquier, un cheval peut en témoigner. Enquête et interviews...
Il était une fois... Le 20 Novembre 1989...
Nous sommes dans un domaine près de Forcalquier. Jean-Marc Magnan est propriétaire de chevaux de course. C'est ici qu'il élève ses poulains, les forme, les prépare à l'entraînement, à la qualification. Il y a presque six ans, il a vécu une aventure incroyable, Solide gaillard, bien dans sa tête et dans ses bottes, c'est pas le genre d'homme à s'en laisser conter. Le bizarre, l'étrange l'ont toujours laissé indifférent jusqu'au jour où...
Mais laissons lui la parole. "Une de mes pouliches avait donné naissance à un magnifique poulain. C'était en 89. Un autre était né l'année précédente, lui aussi superbe. Mais celui-là allez savoir pourquoi, je m'y suis tout de suite attaché. Toi, je me disais, si tu cours un jour, tu seras le premier". Urban" avait à peine six mois lorsque les premiers signes de la maladie sont apparus. Quand on vit tous les jours avec des chevaux, on a l'oeil. On sent ce genre de choses. "J'ai tout de suite appelé le vétérinaire".
Jean-Marc va dans son établi chercher un cahier. Il en a un pour chaque cheval, dans lequel il note tout. La date et l'heure de naissance. Le nom du père, de la mère. La nourriture. Les vaccins. Les petits bobos et les grands bonheurs de ses futurs champions. Le 22 Octobre 89, lorsque le vétérinaire arrive au domaine, le poulain, couché sur le flanc, ne réagit même pas.
Très abattu, il a plus de 40° de fièvre. Un traitement par antibiotique est prescrit. Pour nettoyer le foyer infectieux diagnostiqué au niveau pulmonaire, de grosses doses sont utilisées. Huit jours passent. Urban a toujours l'air aussi épuisé, mais la fièvre tombe finalement le 31 octobre. Le cheval refuse cependant de se mettre debout. Le 1er novembre le vétérinaire accourt de nouveau. La fièvre est remontée et affiche plus de 40°. Une autre série de piqûres est prescrite. Et on augmente les doses déjà très fortes. Le 8 novembre, la fièvre redevient normale. Le traitement est arrêté. Jean-Marc déploie des trésors d'imagination pour essayer de nourrir le cheval, lui concocte des "pâtés" revitalisantes. Rien n'y fait.
Et le 11 novembre - encore un jour férié - la fièvre est repartie. 40°, 41° ! Cette fois le vétérinaire est en vacances, un de ses collègues le remplace.
"A la façon dont il a examiné le poulain, j'ai compris que mon pauvre Urban n'en avait plus pour longtemps." Il a été honnête. Il m'a dit : "Votre poulain vivra peut-être encore un jour mais pas deux !". En partant, il m'a serré la main. "Je suis désolé pour vous Monsieur Magnan, mais il n'y a plus rien à faire. On ne peut pas lui donner plus d'antibiotiques, les doses qu'il a eues sont déjà limites... Téléphonez moi demain matin, mais appelez moi dans la nuit s'il le faut".
Un morceau de crinière !
Après le départ du véto, Jean-Marc restera un long moment comme figé, les deux coudes appuyés sur la table en bois qui lui sert de bureau, le visage serré entre ses poings."C'est idiot, mais si j'avais pu, j'aurais pleuré".
Il se souvient alors de cette histoire de radiesthésiste. Qui lui en a parlé ? Qui lui a dit qu'il étaient plusieurs aux Mées, à pratiquer cette "science".
Un ami va le tirer d'affaire. Il lui dit d'appeler Didier Massin de sa part.
Didier tient un salon de coiffure dans le village. Quand il a un peu de temps de libre il pratique la radiesthésie. Jean-Marc lui téléphone. Entre deux shampoings, le radiesthésiste apprend qu'on attend de lui qu'il sauve un cheval. Et à l'autre bout du fil, Jean-Marc s'entend répondre "que le salon de coiffure étant plein actuellement, il ne pourra pas se rendre auprès du poulain dans l'immédiat. Cependant, il suffit qu'il lui apporter dans une enveloppe un bon morceau de crinière du poulain malade pour qu'il puisse au moins le soigner à distance".
Quand Jean-Marc repose le combiné, il est on ne peut plus perplexe. Ma première réaction a été : "Cet homme est malade dans sa tête, laisse tomber !". Et je suis retourné auprès de mon poulain que j'ai caressé longuement. Sa crinière était douce. Une idée me trottait dans la tête... Et si j'en coupais un morceau ? Après tout qu'est-ce qu'on risque ?
Vingt minutes plus tard, Jean-Marc gare son véhicule près de la place centrale des Mées. Il avoue sans complexe : "Je me sentais complètement ridicule en franchissant la porte du salon de coiffure, une enveloppe contenant un morceau de crinière à la main. Inutile de préciser que je ne me suis pas attardé." D'ailleurs, Monsieur Massin était très occupé comme il me l'avait dit. Une demie heure plus tard j'étais de retour à la ferme. Urban était brûlant. Il ne bougeait plus. C'était si triste de ne pouvoir rien faire. Deux bonnes heures se passent. Soudain, le téléphone sonne. C'est Massin. "Allez vite à la pharmacie me dit-il. J'ai longuement travaillé avec le pendule et vous allez dès votre retour lui donner le traitement suivant." Je note sous sa dictée différentes sortes de granulés homéopathiques à donner toutes les heures y compris tout au long de la nuit selon un ordre bien précis. Je dois également acheter des ampoules et en faire avaler le contenu par le poulain, mais pas en même temps que les granulés. La nuit du 15 au 16 novembre a été pour moi la plus longue. Pas un instant j'ai quitté le poulain. Respectant le traitement à la lettre. Urban, comme s'il comprenait, se laissait faire.
On n'est jamais sûr de rien.
Le 16 novembre à 7h15 pour la première fois depuis trois semaines, Urban semble aller mieux. Il s'étire. On dirait qu'il veut se mettre sur ses pattes. 8 heures. La fièvre hier à 41° est tombée à 37°3. Là je me suis un peu affolé. C'était plus bas que la normale pour un cheval. Jean-Marc appelle le vétérinaire lequel apprenant que le cheval se refroidit décide d'accourir. Il pense que c'est la fin. Or c'est un Jean-Marc tout souriant qui l'accueille et l'entraîne chaleureusement. "Le poulain est guéri, il s'est remis sur ses pattes, ça a marché !"
Qu'est-ce qui a marché ? Jean-Marc raconte le pendule, la crinière. Il montre les tubes de granulés. Le vétérinaire constate qu'effectivement la fièvre est tombée et que le traitement proposé par le radiesthésiste n'est pas un traitement de cheval mais celui qu'un homéopathe aurait pu proposer à un humain à des dosages différents bien entendu. Il n'en est pas autrement surpris.
Ce n'est pas la première fois qu'il constate des résultats positifs obtenus chez des animaux autrement que par la pharmacopée traditionnelle.
Didier Massin lui aussi a craint le pire lorsque son téléphone a sonné et qu'il a reconnu la voix de l'homme venu lui apporter un bout de crinière la veille... "Comprenez moi... c'était le premier cheval que je traitais et on n'est jamais sûr de rien !"
Didier Massin, le pendule c'est son dada...
"Si on obtient des résultats chez l'homme, pourquoi en irait-il autrement chez l'animal ?". lance-t-il, aux cotés d'Urban qui, désormais, se porte comme un charme. (Photo Thierry Garro).